L'ascension de Sacrieur

 

La déesse Sacrieur n'était pas née de la dernière pluie... Elle sut s'imposer dans le cercle très ferme des dieux sacrement utiles... Au départ de son ascension, une simple constatation : la souffrance est particulièrement répandue dans le monde des Dix.

Sous toutes ses formes d'ailleurs : douleur, désolation, tourment, torture, et j'en passe (ce qui est étonnant c'est que les autres dieux ne s'en soient pas aperçus plus tôt). Or le maitre mot pour les dieux en quête de fideles est simple ; pour percer, II faut innover dans le sacre. Et la déesse Sacrieur l’avait bien compris.

Elle choisit un apprenti bucheron. Avec sa hache, il frappait comme tombe la foudre : jamais deux fois au même endroit. II n'avait pas assez de ses dix doigts pour compter ses blessures... Chaque jour, la déesse venait prés de lui, invisible et minuscule. Elle attendait patiemment jusqu'à ce qu'il fut à bout de nerfs et hurle de douleur ou de colère. Le jour tant attendu arriva enfin : alors qu'il se prenait la tète entre ses mains ensanglantées pour la jeter contre un tronc, elle lui glissa cette idée à l’oreille :

S'il se frappait d'abord
La foi chevaine au corps.
II aurait dans le sang
Une dose abondante,
Et même ahurissante
d'adrénaline !

Pour d'une traite gravir une colline
Devenir un phénoménal brise-tout
Et fendre une buche d'un coup.

L'apprenti bucheron suivit le conseil de la voix, Sa hache tomba. Ses doigts furent épargnés, et la buche fendue de haut en bas. II entendit alors à l’intérieur de sa tête :

Plutôt que de subir et d'être affligé de mille souffrances,
Mieux vaut agir et s'infliger une juste pénitence,
C’est le seul moyen d'estourbir à bonne cadence !
Sacrés sont tes cris, Sacrieur !

Et comme la voix qui lui disait cela était une voix de femme, le bucheron crut en une déesse qui s'appelait Sacrieur. Chaque jour il faisait pleuvoir les coups, sur ses doigts, sa tête, ses bras, et ses forces décuplaient. II se mit à psalmodier des phares de son invention : « joie de recevoir, plaisir d'offrir » ou encore « tendre la joue droite, frapper du gauche ». A ce moment, la déesse Sacrieur sut qu'il était prêt à devenir prophète...

Lors du terrible hiver provoqué par la mort de Solar, le bucheron prêcha dans les campagnes. Les paysans avaient suffisamment souffert pour tendre l’oreille à l’inconnu qui leur promettait de transformer leur souffrance en une force nouvelle. En moins d'une semaine, il avait refilé ses prières à la ronde comme d'autres leurs microbes. Les fidèles furent bientôt légion. La déesse fut ajoutée au panthéon. Le monde des Dix s'appellerait dès ce jour le monde des Onze...

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